Crypte SX
Ossuaires et cryptes variés.
Le plus grand ossuaire du monde : Les catacombes de Paris.
Magnifiquement conservé, le cimetière souterrain est aménagé, et l'on peut déambuler entre les hagues d'ossements, les stèles et les maximes qui rythment le parcours. C'est un endroit extrêmement touristique depuis son aménagement dans les galeries de carrières au XVIIIème siècle. De nombreuses légendes portent dessus. D'abord lieu de recueillement, elles furent ensuite une attraction à sensations fortes prisée des parisiens jusqu'à aujourd'hui, dans leurs parties légales et illégales. Ci-dessous des documents d'archives, que mes photographies complètent. La profusion de curiosités et leur variété est relativement impressionnante.
Souvent, le souvenir a plus de valeur que les images; et le spectaculaire tient autant aux circonstances qu'à l'esthétique ou au poids historique du lieu. La hauteur sous plafond ou le nombre d'ossements ne conditionnent pas le sensationnel de l'expérience: ce qui compte, dans ces lieux de mémoire complexes et souvent pesants, c'est d'être en proximité immédiate avec le sens, caché ou non, de l'histoire qui a amené le corps au tombeau, ou le tombeau au corps. Difficile à saisir néanmoins, ladite proximité détermine les moments forts qu'un être vivant peut passer proche des morts, par le corps et peut être, par l'esprit : c'est ce qui est arrivé pour les deux photographies ci-dessous.
Le visage calme d'une jeune femme portant un agneau s'illumine dans le vitrail du transept, éclairé par les phares d'une voiture. Après avoir soulevée la grille de fonte du soupirail et y avoir glissée une échelle, qui tinte contre le marbre de la nef dans le noir épais dont seules les églises endormies le temps des nuits ont le secret, nous nous glissons dans la matrice sourde où s'entremêlent les fondations de l'église et le chemin qui mène à la crypte, oubliée par des générations de prêtres, de vicaires, de sacristains, de gosses chrétiens et d'évêques en visite. L'église fourmille de vie, mais la Crypte n'existe officiellement plus, enfouie et prétendument noyée dans la terre. Nous arrivons le goulot vertical passé dans un passage d'une centaine de mètres, où mes genoux raclent le sol. La voûte de calcaire est érodée et la terre meuble noircit mes tibias comme le calcaire blanchit mon dos sous la friction, ma taille me handicape. Étrangeté: Des noms sont à peine lisibles sur les maçonneries. Une pierre semble descellée : en réalité c'est une dalle de faible épaisseur. Il s'agit d'un caveau. Ce ne sont pas des murs, mais des dizaines de tombeaux accolés qui forment les pans d'une voûte. Des dizaines de prêtres enterrés sous leur paroisse en des temps dont leurs successeurs n'ont plus eux-mêmes la trace. S. passe une lampe dans le trou large comme un poing du seul caveau descellé. Le crâne, les fémurs, les bras, les jambes, gonflés d'eau et disloqués par les insectes et les centaines d'années qui suivent la fin de l'existence sont là, éblouis par les phares grésillants de deux gosses à peine devenus hommes. Et le silence est enfin troublé par deux respirations. Nous nous époussetons et relevons les épures, puis nous retournons vers la nef. L'échelle remontée, le soupirail remis en place, le même tintement. Nous partageons une bière fraîche, en souvenir de ceux dont on a oublié le nom, sorte de communion maladroite mais sincère, sans prétention ni méthode. Une voiture passe au loin. Les bras chargés d'un agneau, la paysanne nous sourit. Lorsque tout perd de son histoire ou de son sens, les protocoles comptent peu, et les intentions valent beaucoup.